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PARDONNE-NOUS
NOS OFFENSES

RÉSUMÉ

Il est question de Noirs et de Blancs, de lapidation médiatique et de censure, d’offense et de bienveillance, d’identités et de consentement, d’inclusion et de seins libres, de soutanes et de voiles, de LBGTQIA+ et de livres réprouvés, de désirs d’un monde nouveau ou de situations devenues délicates dans l’enseignement… Des sujets vite inflammables…

Treize nouvelles aux airs souvent pamphlétaires et satiriques qui feront sourire ou leur raillerie grincer des dents. Mais les personnages, pour lesquels quelque chose souvent dérape, sont toujours traités avec tendresse. Au nom d’une moralisation de l’expression artistique et de la vie citoyenne, amour et humour ne deviennent-ils pas les grands réprouvés de notre monde nouveau ?

Les nouvelles :

Trac(t) – Variation drolatique sur le mode « je ne sais plus ce que je peux dire ou faire ».

Grâce – Un amour sensuel interracial sur fond des fantômes du colonialisme et d’une déconstruction « éveillée ».

Aimons les enfants – Un professeur d’université particulièrement maladroit que l’on tient pour pédophile.

Alban – Un jeune homme en quête de lui-même, adepte de méditation thérapeutique et accusé d’appropriation culturelle.

Père Cuir – Un prêtre de banlieue très cuir…

La main de Fatima – Fatima ne veut pas porter le voile et découvre la calligraphie.

Safe room – Un professeur de lycée aux prises avec les revendications et la sensibilité de ses élèves.

Alma mater nova – La nouvelle rectrice de l’université désireuse de démasculiniser l’institution et la rendre absolument inclusive.

Amen & awomen – Comment séduire à l’ère post-MeToo ?

White elephant – Un grand-père blanc qui ne peut plus garder son petit-fils.

Ce sein que je ne saurais voir – Une directrice de théâtre qui s’interroge sur les revendications féministes du « no bra ».

Loup, y es-tu ? – De l’expurgation du Petit Chaperon rouge dans la bibliothèque communale.

Prends garde à toi ! – Un metteur en scène désireux d‘adapter Carmen au théâtre dans une version non binaire.

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NOTE D’INTENTION

Le sentiment d’offense et sa réponse par le politiquement correct semblent bien souvent aujourd’hui verrouiller l’expression artistique autant que citoyenne par la censure ou surtout l’auto-censure, et l’enfermer dans un moralisme puritain et culpabilisant ou une bien-pensance à la fois uniformisante et stérile.

La dénonciation de tous les abus de pouvoir est absolument nécessaire : sexisme, racisme, colonialisme, ségrégations, injustices doivent être identifiées et refusées (Rem. : accord ici « de proximité », alternative intelligente à la vieille règle du « masculin l’emporte »). Mais face à la moralisation instaurée par les redresseurs de torts du wokisme ou de la cancel culture, dans ce climat très vite offensé, comment retrouver un peu d’air ? L’humour, l’ironie ou le second degré paraissent vite suspectés de blesser telle ou telle catégorie de personnes, ou dont la distance paraît rapidement vécue comme un manque d’empathie ou une micro-agression. Cet humour cependant ainsi qu’une pensée nuancée nous paraissent une nécessaire résistance face aux intimidations, quand ce n’est pas face à une nouvelle tyrannie.

Les textes de Pardonne-nous nos offenses se veulent des appels à la réflexion critique et à la rencontre fraternelle ou sororale, ils défendent la liberté d’expression et le débat, mais aussi l’universalisme et les héritages autant que les mixités culturelles. Ils refusent la pensée binaire (en particulier l’unique grille de lecture selon dominant/dominé, oppresseur/oppressé, bourreau/victime), ils récusent le manichéisme simpliste et réducteur (« si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi » et l’enfermement dans des cases identitaires) – tout cela est si confortable. Ils cherchent aussi à prendre un peu de hauteur.

*

À l’origine de ce recueil, une sorte de colère – du moins une réaction d’incompréhension face à ce que j’ai interprété comme une forme de censure : le refus par un éditeur de publier La main de Fatima, prétendu « trop sensible ». La nouvelle avait déjà été publiée en 2017 dans mon recueil Le jour est aussi une colère blanche, mais n’était plus disponible depuis la cessation d’activités de Luce Wilquin, l’éditrice, en 2019. Deux ans plus tard, j’ai alors soumis le texte (dans la version remaniée et augmentée que l’on découvre ici) à un autre éditeur publiant, en de jolies plaquettes, des textes de cinq mille mots. Cet éditeur ne l’accepta pas : « Merci pour cette proposition mais nous ne l’avons pas retenue, sans jugement sur son intérêt ou sa qualité, le sujet nous semble trop sensible et dépassant nos connaissances et le cadre des opuscules. » Comme je répondais que « Peut-être qu’en des temps moins sensibles, vous trouverez opportun de publier ce texte ? », il m’opposa encore que « Notre position n’est pas liée à la situation actuelle – la problématique du voile est de tout temps très difficile. Les opuscules ne sont que des mini-romans et n’ont pas vocation à entretenir des débats. »

 

Bien évidemment, tout éditeur a le droit d’accepter de publier ou non un texte, là n’est pas du tout la question. C’est l’argumentaire qui étonne. La crainte que l’on perçoit face à un « sujet trop sensible ». Cette crainte peut bien entendu être légitime : un éditeur, comme tout le monde, n’a guère envie d’avoir des ennuis, humains ou matériels (on repense naturellement à la tragédie de Charlie Hebdo). N’empêche, il y a là comme une autocensure renforçant ce qui semble devenir un véritable tabou (le voile), intouchable sous peine d’accusation au minimum d’islamophobie. Une autocensure qui donne raison aux éventuels intégristes, inquisiteurs ou violents – la peur donne toujours le champ libre et génère son cercle vicieux. « Dépassant nos connaissances » est-il répondu également : où l’on semble avoir besoin de garanties de personnes qualifiées, de gardiens du savoir ou ces sensitivity readers sans doute que plus aucun éditeur d’outre-Atlantique ne manque de consulter afin de ne pas s’attirer les foudres des minorités identitaires. Il n’est cependant pas difficile de percevoir que La main de Fatima rend honneur et de manière parfaitement respectueuse à un véritable islam du cœur (assez éloigné, il est vrai, de cette sorte de « code pénal », comme dit Sylvain Tesson, dans lequel il se laisse trop souvent enfermer).

 

Mais « ne pas avoir vocation à entretenir des débats » : là, je dois dire que les bras m’en tombent. Quoi, la littérature ne servirait qu’à distraire ? Qu’au divertissement ? Quoi, la littérature ne devrait pas permettre l’échange, le partage, et donc le débat ? La littérature ne sert-elle pas – entre autres – à penser (soi, les autres, le monde) ? La littérature doit-elle être complaisante et lénifiante ? J’aime ce qu’a écrit le grand écrivain nigérian Chinua Achebe (lui qui a voulu restaurer l’identité africaine, qui a beaucoup interrogé le colonialisme et a plusieurs fois été pressenti pour le Nobel) : « Les écrivains n’écrivent pas pour proposer des remèdes, mais pour donner des maux de tête ».

 

À cet éditeur donc, que je salue amicalement, j’avais répondu qu’« il me semblait que, en particulier auprès des plus jeunes ou en milieu scolaire, permettre, à prix démocratique, que cette question soit discutée eût été une idée pertinente : j’observe que cette question [du voile] y est méconnue dans ses enjeux, qu’elle est réglée par un «de toute façon chacun a le droit de s’habiller comme il veut» ou que toute remise en question est taxée d’islamophobie – autant de raccourcis et absences de nuances qui peuvent paraître dommageables. » Je n’ai pas reçu de réponse de l’éditeur. Ce n’était pas nécessaire.

 

On va me taxer de polémiqueur, voire de réac, on me dira d’écraser, fermer ma gueule.

 

Ben, non, moi, je refuse que la peur gagne.

 

Alors j’ai commis ce recueil.

 

Réac, ces textes ? Oh non – et je ne le suis pas moi-même. Mais exprimer un questionnement critique sur toutes ces questions, même par le biais de l’humour, fait facilement paraître réac en cette période de polarisation et de simplification délétère.

 

Puis, bravo autant que merci à mon présent éditeur, Olivier Weyrich, d’avoir l’audace et le courage de prendre le risque éventuel de cette publication.

*

Le titre : pardonner les offenses. Comme aujourd’hui, il faudrait s’excuser de heurter la sensibilité de quelqu’un, je le fais à l’avance, comme ça, c’est réglé. Si je heurte, pardon. Puisque mon but est de bousculer un peu et espérer faire sourire parfois, je risque de heurter : donc pardon, c’est de la littérature pour réfléchir et débattre.

C’est comme une repentance devant Dieu aussi : il faut dire que souvent ces accusateurs inquisiteurs se présentent comme des autorités quasi divines, des mollahs de la vertu, des ayatollahs de la bien-pensance, des papes de la bonne moralité qui érigent les nouvelles tables de la Loi de ce qui est acceptable ou non, tous ceux-là qui vous remettent dans le droit chemin et ne craignent pas de vous intimider sinon de vous stigmatiser, volontiers assoiffés de revanche et de châtiment.

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En vente en librairie, et en ligne via le site des éditions Weyrich
Weyrich Edition

CE QUE LES LECTEURS EN DISENT

MERCI pour cette pépite qui m’a fait vibrer pour de nombreuses raisons. Un livre qui permet au lecteur de poursuivre sa propre quête. Un livre que je redistillerai à d’autres moments. Un livre à transmettre. J’ai fermé provisoirement ce merveilleux livre dans la plénitude et l’allégresse. J’ai prolongé cette lecture en réécoutant le Stabat Mater de Pergolèse.

Hélène H

Une réelle bouffée d’air frais ! Je ne peux que conseiller cette lecture.

Emilie G.

Quand un livre parle de l’essence même de l’être humain, qu’il est si bien et si justement écrit, aucun commentaire ne doit le dénaturer. La pudeur, le silence et le recueillement s’impose à moi pour un moment. C’est ma religion à moi. Mon coeur pleure et se réjouit de la naissance de Paloma. Merci pour ce partage juste et fort. Ces phrases si belles, si poétiques sont un moment de grâce pour moi.

Jocelyne B.

« J’ai adoré votre livre! » n’ai-je pu m’empêcher de dire d’emblée ce soir à Éric Brucher en présentant, à la Maison des Écrivains, son roman Colombe (paru en 2011 chez Luce Wilquin). Je n’ai pas souvent l’habitude de pareilles déclarations, mais il est rare, à mes yeux, qu’un livre joigne aussi parfaitement la profondeur du sujet (le désir d’absolu d’une petite Antigone moderne) et la perfection de l’écriture et m’ait autant émue.

France B.

Je referme Colombe. Envie de faire silence. Et vous le dire. Merci.

Un roman d’une beauté minimaliste, qui frôle du bout de l’aile (du bout de la plume de l’aile) à l’Essence-Ciel.

Kira R.

Tous nos élèves devraient le lire.

Catherine V.

Cela donne presque envie de vieillir.

Marie-Ange S.

Je vous félicite parce que la durée du livre est juste; j’ai bien aimé aussi que cela se termine par une réconciliation.

Nicole L.

Je viens de terminer la lecture de votre Colombe, que j’ai adoré!

Jean-Pierre D.

J’ai aimé votre regard si juste sur l’intensité de ce moment de la vie souvent prometteur, souvent douloureux aussi (…) Les personnes qui entourent Paola/Paloma sont, elles aussi, colorées, émouvantes et elles reflètent bien la vie de tous les jours lorsqu’elle se rebelle contre le matérialisme.

Henriette L.

Colombe, un roman touchant, poignant et tenant en haleine. On s’attache à l’héroïne, on partage son mal-être et on s’interroge sur son propre désir. Un livre qui pousse à réfléchir sur le quotidien, sur le bien-être intérieur, sur la colombe qui vit en chacun de nous et surtout sur l’abondance de biens de ce monde.

Gwendoline F.

Pourquoi me suis-je pris d’affection pour le “jardinier”? Pas uniquement à cause de son prénom, je le jure! De très beaux chapitres. (…) Dire qu’avant tout… je me suis laissé conduire par l’histoire et par ces personnages tellement proches. Merci d’avoir mis au monde une si belle Colombe.

Gabriel R.

Ce livre d’une pureté admirable, qui sonde avec une délicatesse rare les douleurs de l’adolescence et de l’anorexie, par une intime compréhension de leurs ressorts, a reçu le Prix Sander Pierron de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique 2012.

Marie-Clotilde R.

Ici, dans ma bibliothèque tournante, les filles qui ont lu Colombe ont adoré: commentaires tous plus que positifs: grande sensibilité, l’anorexie vue enfin d’un autre point de vue, et j’en passe.

Dominique Th.

PRESSE/MEDIA

POURSUIVRE LA RÉFLEXION

De la woke culture :

Aujourd’hui, le droit de dire semble soumis au contrôle d’identité – à une police de la pensée. Aujourd’hui, affirme-t-on, mon identité de peau, de race, d’appartenance, de sexe ou de genre définit ce que j’ai le droit de dire ou non, les limites dans lesquelles ce que je formule est acceptable. Ou alors c’est mon statut d’opprimé ou de victime qui me légitime.

Évidemment, je suis mâle blanc occidental hétéro cisgenre de plus de 50 ans boomer – la race honnie, emplie de privilèges et oppressive : toutes les tares.

Ne suis-je pas définitivement illégitime ? Il y a tous les opprimés, les blessés, les humiliés, les offensés, les offusqués, les moqués – et tous ceux qui se sentent tels. Je devrais ne pas la ramener, marcher à l’ombre, me confondre en mea culpa et contrition. Que puis-je comprendre de tout ce qui est et a été vécu et qui n’est pas moi ? Ne devrais-je pas expier pour les siècles d’abus, de dominations, de persécutions et d’injustices de tous ordres, ces siècles aussi d’impunité de la culture du viol ? Coupable de tous les maux et du délabrement du monde ?

Certes, le wokisme n’existe pas, il n’est pas un mouvement organisé et n’est utilisé que par ceux qui en récusent les tendances. Le wokisme existe néanmoins en tant qu’ensemble de tendances, justement.

Par woke (dérivé de awake, éveillé), très positivement, on entend un éveil et une prise de conscience accrue des injustices et inégalités sociales, des violences, discriminations ou marginalisations dont les minorités ethniques et religieuses, sexuelles ou de genre… sont victimes ; éveil face aux « privilèges » de certains (ces privilèges s’opposant aux inégalités sociales) ; éveil face à l’oppression ou l’impérialisme culturel. Il y a là un travail de déconstruction, de mise à jour de nos stéréotypes et structures sociales racistes, sexistes, colonialistes…, explicites ou inconscientes. Et certes, droits et conscience progressent, rendant insupportables certains propos, certaines phrases ou blagues banales auparavant. Et en effet, il importe de comprendre que certaines personnes sont historiquement désavantagées en raison de leur identité, il importe de se soucier davantage des structures économiques et sociales, mais aussi politiques et culturelles, de la discrimination, des schémas conscients ou inconscients de la domination et de l’abus de pouvoir. Woke est une bonne chose.

Là où le wokisme est critiquable, c’est en particulier dans cette idéologie identitaire et culture victimaire imposant volontiers un terrorisme intellectuel, légitimant la censure, faisant taire les « mauvais sujets » par délation/dénonciation, harcèlement, intimidation, effacement ou cancellisation – refusant le débat considéré comme « micro-agression » ou affectant la « sécurité émotionnelle ». Tout assuré qu’il est de sa nouvelle vérité, possesseur du Bien face aux coupables, il développe un nouveau puritanisme (moralisation, société de pureté, déni de la sexualité) et un nouveau sectarisme (refus de l’universalisme interprété comme système oppressif du monde blanc privilégié et condescendant, accusé de diluer les particularismes dans l’universel, de gommer les identités particulières et le terme de « race »). Avec sa lecture du monde relativiste (parfois révisionniste) et binaire (dominants/dominés), cette idéologie de la « marginalité malheureuse » est dangereuse pour la rationalité (on demeure dans l’émotion, le ressenti, le témoignage de la souffrance qui deviennent la mesure de tout jugement), mais aussi pour la liberté d’expression (censure et auto-censure par intimidation), et même l’égalité et la fraternité (créant de nouveaux sectarismes identitaires) – et générant tristesse, ressentiment, rancœur et haine.

Car, à tellement traquer partout l’exclusion, on la recrée. À défendre partout les particularismes, même au nom de la lutte contre le racisme et la défense des minorités, on recrée du sectarisme.

Sans doute l’enjeu est celui d’une revalorisation individuelle. Certains ont pu la nommer « boursouflure narcissique » : ce que je suis est désormais ce que je me sens être (tandis que les petites blessures narcissiques sont, en cette époque nantie, les plus grandes douleurs et nommées « micro-agressions »).

Si le wokisme critique le patriarcat, le sexisme, racisme, colonialisme, capitalisme, impérialisme, c’est en Occident seulement. Il s’agit d’un éveil très sélectif, avec œillères et biais cognitifs, quand ce n’est pas de la mauvaise foi. Il semble tenir parfois de l’imposture tant certaines « causes » majeures sont oubliées : quid du voilement des fillettes, de l’excision, de l’homophobie en culture musulmane, du fait d’être athée en culture musulmane, de l’islamisme, du féminicide de policières, de l’antisémitisme, du patriarcat arabo-musulman (ou d’ailleurs dans le monde), des mariages forcés (par exemple en Afghanistan, et la « culture du viol » là-bas), des crimes d’honneur… ?

De la littérature et de l’art :

Le wokisme justifie que la littérature s’en empare, car il est pour une bonne part un fait de langage. Du moins il concerne éminemment le langage avec l’invention de nouveaux mots et verbiages, la censure de certaines expressions, la chasse aux « mauvais » termes, l’écriture inclusive, son souci de purification de la langue.

La littérature a toute sa place en ce qu’elle peut, par une grande attention à la langue, réintroduire de la nuance et de la complexité qu’un binarisme pro/anti a tendance à anéantir.

On voudrait aujourd’hui que l’art défende des causes (féministes, lgbtistes, antispécistes, végane, écologistes, anti-racistes, pro-migrants, etc). Est-ce nécessairement sa fonction ? Ou alors on fait de l’art militant ou de l’art documentaire, et pourquoi pas – mais c’est une vision très restrictive, voire dégradée de l’art. Il y a ce tournant moralisateur qui est une lourde régression, à la fois un rétrécissement et une infantilisation à croire devoir affirmer ce qu’il faudrait penser et dire.

Le problème de la censure aujourd’hui n’est-il pas que l’on voudrait voir en l’art des modèles et repères du bien vivre ensemble et du respect de chaque sensibilité dans une ère qui en est singulièrement privée, et que ce n’est pas le rôle de l’art ? L’art est culturellement inutile, en dehors de son cri pour « combattre l’étouffement » Fr. Bacon), en dehors de sa subversion : l’art ne sert ni à calmer, ni à apaiser, ni à rassurer. On ferait peser sur l’art une responsabilité qui n’est pas la sienne et on le sanctionnerait pour cela ? L’art n’est pas la justice et ne sert pas à promulguer, comme certains vertueux moralisateurs le voudraient, le Bien, le Juste, le Bon, voire le Vrai.

L’art a donc pour fonction d’ouvrir l’esprit (parfois le cœur), c’est-à-dire de questionner les schémas mentaux, préjugés, conventions – et parfois c’est choquant. Ouvrir des espaces de discussion, de respiration, d’inspiration, d’évasion, d’émancipation, de rêverie… Quelque chose qui bouscule, voire fait mal à la tête. Comme l’a donc excellemment dit Chinua Achebe. Mais c’est comme si aujourd’hui on ne voulait plus de cela, mais du wellness, du feelgood, du bisounours. Il y a déjà tant d’images en tous sens, tant de remises en question, tant de crises et de pertes de repères, tant d’incertitudes, n’est-ce pas ?, on ne veut pas être questionné davantage. Comme si toute cette censure disait « laissez-nous en paix dans notre coin, dans notre cocon ; juste aimez-nous, reconnaissez-nous ; que l’on cesse à jamais d’être blessés ou offusqués, on n’a plus besoin de ça ».

La littérature, justement, peut raviver du débat – et par là, du lien social. On rappellera que le débat est au cœur de la vie démocratique. Débat et non plus des assignations et injonctions, oukases et lynchages, diktats et censures, inquisitions et bûchers, barrières et clanisme de meute, accusations et chasses aux sorcières, anathèmes et lapidations, procès et boycotts. Car tout cela fait-il reculer le racisme, les injustices, le sexisme, les oppressions ?

La littérature explore les imageries mentales (l’imaginaire) – seuls les intégristes cherchent à conserver le monopole de la représentation en interdisant tout ce qui diffère de la leur.

Censurer est la tentation de la peur ; créer est la démarche de la vie confiante.

De la moquerie et du blasphème :

C’est toujours critiquer et se moquer d’idées et de comportements, non pas de personnes. Le malheur est que les gens s’identifient aux unes comme aux autres. Moquerie n’est pas non plus mépris (on le sait bien en famille ou avec des amis). Au surplus, être l’objet de moquerie est excellent pour l’humilité et l’érosion de l’ego.

C’est le difficile équilibre entre liberté critique et le respect des sentiments d’autrui. Le refus d’offenser doit-il prendre le pas sur la liberté d’expression, dont le droit au blasphème et à la moquerie ? Non, bien sûr. Défendre aujourd’hui la liberté d’expression fait presque passer pour un acte réac ou liberticide. Où l’on voit comme la chape de plomb de la religion made in USA empêcher, au nom du souci généreux de ne pas blesser autrui, toute critique des croyances – qui ne sont donc jamais que des idées, si chères aux cœurs soient-elles. Le problème dans le sentiment d’offense est certainement aussi dans l’identification de soi-même à ses croyances, à cette affirmation identitaire du « je suis » ceci ou cela.

Concernant l’islam, il est intéressant de signaler que le mot blasphème n’existe pas dans le Coran. Seuls les mots railleries et dérision s’y trouvent – et face à cela qui pourrait nous gêner, il est juste recommandé (S.4.v.140) : « ne vous asseyez pas avec eux » : c’est-à-dire ne pas écouter et s’en aller (Dieu s’occupera du Jugement). De même, il n’y aura « pas de contrainte en religion » (S.2.v.256)

Du reste, offense n’est pas préjudice. Vivre ensemble, c’est se frotter les uns aux autres, avec des risques de vexations, d’incompréhensions, de heurts, etc. : cela n’a rien à voir avec une atteinte directe à l’intégrité de la personne ni avec quelque préjudice. Une discussion contradictoire n’est pas un affront identitaire.

Définir des limites nécessaires à la liberté d’expression, définir des limites strictes aux comportements préjudiciables, c’est ce que fait la Loi en fonction des droits. Inversement, imposer des restrictions qui tendent à rendre le langage ou tout comportement conforme à des revendications particulières ou appréciations particulières est illégitime.

De la légitimité et de l’universalisme :

Car il faudrait être légitime : c’est-à-dire avoir vécu personnellement – si possible dramatiquement – la situation que l’on évoque pour pouvoir en parler. Avoir la bonne couleur de peau, le bon sexe, le bon genre, la bonne religion, la bonne race, la bonne souffrance… Avoir le statut de victime.

Or je peux évidemment m’exprimer sur le football sans moi-même y jouer, et l’expérience indirecte a toute sa valeur (cela s’appelle la culture). Du reste, tout enfant connaît et fait l’expérience, dès le plus jeune âge, de la discrimination dans la cour de récréation, moqueries, brimades, petits harcèlements, petites humiliations, jugements sur les apparences, etc. – chacun peut trouver au fond de lui un motif d’être victime.

Surtout : je puis parfaitement me projeter dans ce qu’a pu subir et vivre autrui, me projeter et m’identifier à sa souffrance et ses ressentis, à sa réalité et sa perception, à ses croyances ou ses idées, à ses sentiments et ses émotions – c’est même cette empathie qui est signe de mon humanité. Et c’est ce que fait la littérature.

Je demeure définitivement adepte de l’universalisme. Celui-ci est critiqué d’indifférenciation, de nier les particularismes et les identités. Moi, j’aime que les signes distinctifs et particularités s’effacent derrière un projet de société commune, restent soumis à la trinité démocratique liberté, égalité, fraternité. L’inverse ouvre au communautarisme et au sectarisme, à la fragmentation sociétale (que l’on nomme parfois « archipélisation »).

Copyright © Brucher Eric | tous droits réservé s
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